Polémique sur Facebook au sein d’Attac

Polémique au sujet de l’utilisation des outils Gafam par Attac : le "réalisme" contre le "changement du monde".

Frédéric PANNE
Pour le comité local d’Attac Bassin de Vichy
(Voir l’historique de la polémique en fin de texte)

Nous observons tout d’abord, dans le reproche d’appareil que vous nous en faites, que notre décision de conserver nos cotisations n’est considérée que sous l’angle d’une rétention financière et n’envisage pas ce qui en a constitué pour nous la motivation profonde : une suspension d’adhésion à l’association en attente de sa part d’une écoute et d’une prise en compte réelle d’une demande pour nous essentielle. Nous vous avons formulé cette demande à l’automne 2019 à laquelle vous avez apporté une réponse qui balayait nos attentes à motifs d’efficacité et autre réalisme commode sans avoir été attentifs à ses motifs et à ses fondements. Nous avons perçu dans cette réponse en balayette une forme de mépris suffisant en rupture avec l’idée que nous nous faisons du mouvement et qui motivait jusque là notre adhésion à ATTAC. A ce titre nous avons suspendu notre adhésion à l’association, et par conséquent la cotisation qui en est l’expression, à une réelle écoute de nos attentes et à la réponse à celles-ci apportée par ATTAC.
Nous constatons qu’avec la pression médiatique durant le confinement la balayette a été rangée et ZOOM avec dans le placard et que timidement, peut-être , il faudrait voir, bien sur… Mastodon, les logiciels libres, Framasoft , les solutions alternative...ça existe...oui ….mais…. AVEC Facebook nos adhésions augmentent !!!!! 
Patatras nous commencions à espérer et voici que vous nous ressortez ce bon vieux réalisme, l’arme de pouvoir, de déconsidération massive, qui dès qu’il est brandit abolit, anéantit aussitôt toute alternative, tout discours d’opposition ; Qui n’admet pas la réplique ; L’assignation à se soumettre au monde tel qu’il va, la perpétuelle reproduction du statu quo(1).
Et pour parachever notre désillusion le constat amer que durant le confinement, ATTAC, certainement dans un légitime soucis, a multiplié les Facebook Live.

Et pourtant, si nous écoutons les aujourd’hui qui bruissent : « ….Disons-le : il n’existe aucune raison que cette crise, qui ouvre tellement de possibilités de bouleversements, n’en ouvre pas à celles et à ceux qui, comme nous, veulent changer ce monde. Toute crise majeure est une chance, oui. Parce qu’elle brise un continuum. Et qu’elle ouvre une lucarne dans le mur circulaire de nos habitus cimentés à la résignation et au déni. Une lucarne qui peut vite devenir fenêtres, puis portes sur un futur à désincarcérer. Cette pandémie n’est donc pas qu’une catastrophe. C’est déjà beaucoup plus, beaucoup mieux : une promesse. Une promesse pour ce printemps qui pousse et dont nous pouvons être les bourgeons têtus, les fleurs sans naïveté et les fruits qui mûrissent.
…. Tentons d’y passer un pied ou une main. Et tant pis si ça se referme sur nos os en craquant. On 
aura essayé ! ….Il ne sert à rien de se prétendre contre le capitalisme. Demandez aux gens, tout le monde est contre : tout contre ! Il ne sert à rien de se croire au dehors : la marge appartient encore au système et l’alimente même plus puissamment que son centre. La vérité est plus cruelle : si le capitalisme est si présent, s’il infiltre partout ses liquides, s’il démultiplie de façon fractale ses logiques jusqu’aux secteurs qui avaient su longtemps le repousser (l’éducation, la santé, l’humanitaire, l’amitié, la militance, l’art…), c’est parce qu’il prend en nous son énergie. On l’irrigue avec notre sang ; on l’électrise avec nos nerfs ; on le rend intelligent avec nos cerveaux. Il nous manipule avec nos propres mains – sans se fatiguer à les laver....Il faudra un jour cesser de concevoir nos ennemis comme extérieurs à nous. Et ne jamais oublier qu’une partie du combat que nous devons mener se joue entre soi et soi. Pas seulement, bien sûr. Mais déjà. Toutes nos servitudes sont volontaires, si l’on y regarde bien. La fascination du fric et le bonheur de consommer nous traversent toujours, à un moment ou à un autre. Font conduction en nous. Les addictions numériques qui nous piègent sont d’abord des auto-aliénations que nous activons et subissons nous-mêmes, pulsions et paresses crasses, plaisirs brefs et souffrances mêlées. Pour cette crise, d’ailleurs, qui est pour l’instant le grand vainqueur du confinement, sinon ceux dont le projet est de virtualiser le monde ? Qui, sinon ces quatre bases nucléiques de notre Acide DésoxyriboNumérique : G, A, F, A ? Quand vous logez, au sens policier, quatre milliards d’individus dans leur grain de maison, côte à côte, bloqués dans leurs monades urbaines, lovés dans leur techno-cocon, qui tisse la chrysalide ? Qui forme la rafle, cette tige qui articule les grains de raisons sur la grappe ?
(Ah oui, là, on rigole moins. Là, on ne clique plus sur la bannière, on ne forwarde plus son neuvième mème de la journée, on stoppe net le scrollytelling… On se pose. On sort un peu !)
La solution est sans miracle : c’est nous et notre politisation active. 
Il faudra finir par l’entendre. Que ça ne nous empêche pas de manifester, d’occuper, de combattre et d’agir contre ce gouvernement. Mais en visant un point au-delà de la brique qu’on casse. »(2).

Si nous écoutons les réflexions d’autres collectifs comme Utopia (4) : ... les dangers de la technologie et des usages qui en sont faits par un capitalisme numérique de surveillance généralisée réclament de notre part un sursaut urgent.Prenons conscience que la vie connectée ne peut durablement se substituer à la vie vécue, que les succédanés de débats par Internet ne remplaceront jamais la présence, le dialogue de vive voix et le langage non verbal. Chacune et chacun doit réfléchir dès maintenant à la manière dont il est possible de défendre ce droit à la rencontre (réunions d’habitants, assemblées populaires, manifestations), sans lequel aucun droit politique, ni la démocratie et donc l’émancipation citoyenne associée ne sont possibles, et sans lequel aucun rapport de force, pour quelque lutte que ce soit, ne peut jamais se constituer.Le tout-numérique conduit à une déshumanisation de nos sociétés et renforce la fracture sociale. Qu’il s’agisse des services publics, de l’école, de l’entreprise, le maintien d’un contact direct d’humain à humain est essentiel à notre qualité de vie. A titre d’illustration, nous devons donc lutter pour maintenir l’existence d’un service postal bon marché qui ne soit pas entièrement remplacé par les messageries électroniques car la fracture numérique touche encore 13 millions de français. Nous devons aussi prendre conscience, pour s’y opposer, à une généralisation imposée du télétravail source de nouvelles souffrances psycho-sociales. De nouvelles technologies qui n’apportent aucun bénéfice humain tangible entraînent, par contre, des risques sanitaires réels. C’est le cas de la 5G dont le développement doit être contrecarré par tout moyen, mais aussi de l’installation de nouvelles antennes-relais 4G dont l’impact sanitaire est sous-estimé.Enfin, si nous voulons préserver nos libertés face à un capitalisme numérique qui utilise les logiques de concurrence et de rentabilité pour promouvoir un système de surveillance généralisée, la résistance doit être massive : boycott des applications de traçage électronique, relégation des téléphones portables trop perfectionnés…

Ou encore si nous prêtons attention aux préventions éclairées par de sombres pages d’histoire : Hannah Arendt écrit dans le tome trois de « Le système totalitaire » que « Le sujet idéal de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu ni le communiste convaincu, mais les gens pour qui la distinction entre fait et fiction (c’est-à-dire la réalité de l’expérience) et la distinction entre vrai et faux (c’est-à-dire les normes de la pensée) n’existent plus ». Or, comme le décrit Bruno Patino dans « La civilisation du poisson rouge » : « le nouveau capitalisme numérique est un produit et un producteur de l’accélération générale...L’accélération a remplacé l’habitude par l’attention, et la satisfaction par l’addiction. Et les algorithmes sont les machines-outils de cette économie. L’économie de l’attention détruit, peu à peu, tous nos repères. Notre rapport aux médias, à l’espace public, au savoir, à la vérité, à l’information, rien ne lui échappe. Le dérèglement de l’information, les « fausses nouvelles », l’hystérisation de la conversation publique et la suspicion généralisée ne sont pas le produit d’un déterminisme technologique. Pas plus qu’ils ne résultent d’une perte de repères culturels des communautés humaines. L’effondrement de l’information est la conséquence première du régime économique choisi par les géants de l’Internet. Le marché de l’attention forge la société de toutes les fatigues, informationnelles, démocratiques. Il fait s’éteindre les lumières philosophiques au profit des signaux numériques. »(3)

Alors nous comprenons pourquoi toutes les formes de barrage, quelqu’en soit leur échelle, aux GAFAM et autre ORANGE ou ALIBABA et le développement de l’usage des solutions alternatives constitue pour nous un enjeu essentiel pour la préservation de la liberté d’action citoyenne de chacune et chacun d’entre nous.

Et c’est bien parce que nous sommes profondément convaincu que par sa légitimité acquise au fil de ses nombreux combats, par sa capacité de réflexion née de la diversité de ses collectifs, ATTAC, par l’essence même de sa raison d’être devrait être un moteur et un pionnier, une force de proposition dans la résistance, nécessaire bien que non suffisante car elle n’obnubile pas les autres luttes, aux GAFAM et autres plate-formes et réseaux trop heureux aujourd’hui de la crédibilité ( sic Google) et du pouvoir que nous leur donnons par nos usages personnels et collectifs.
Résistance bien sur en interrogeant et modifiant nos usages personnels ou de groupe, mais aussi résistance à ces systèmes et au développement des technologies de surveillances en s’unissant et partageant celle-ci avec d’autres associations comme La Quadrature du Net pour en développer les trois volets urgents qu’elle nous suggère :
 Documenter sur ces systèmes : quels projets en cours, qu’est-ce qui est déployé en ville, dans l’éducation, la santé, les forces de sécurité….
 Développer un argumentaire juridique pour faire obstacle par le droit.
 Animer et sensibiliser au sein des associations, au niveau local, organiser des mobilisations , sensibiliser d’autres acteurs militants, les usagers de tous ages , construire des coalitions locales relayées au niveau national……

Autant d’initiatives par lesquelles ATTAC jouerait son rôle important d’éducation populaire.

Ceci n’est qu’un brouillon de réflexions et de propositions auxquelles nous espérons sensibiliser nombre de comités locaux d’ATTAC qui ne demande qu’à être enrichi pour qu’ensemble nous établissions les bases, les objectifs et les étapes d’une stratégie qui nous permette un jour -et nous avons bien conscience que ce ne sera pas demain- qu’ ATTAC puisse écrire comme l’a fait Minga le 23 juin sur son Blog Médiapart : ATTAC quitte Facebook. Construisons des réseaux vraiment sociaux.
Aussi nous vous demandons : le CA est-il prêt à initier et accompagner l’élaboration d’un plan d’action concret (objectifs/moyens/délai) conduisant à cette sortie ET/ou ( à minima) à la conception d’un manuel anti-Facebook (édition d’ATTAC%).

(1),Au nom du réalisme- Stéphane Bikialo et Julien Rault- Ed.Utopia janvier2018
(2) Pas de lendemains qui chantent : des aujourd’huis qui bruissent- Par Alain Damasio - paru dans Médiapart
(3) Bruno Patino – La civilisation du poisson rouge/Petit traité sur le marché de l’attention – ed.Grasset
(4) Utopia - Lettre mensuelle juin 2020:Imaginons notre monde...Thème : Sciences et Technologies

Rappel échange comité local bassin de Vichy et ca attac

Résolution de l’assemblée générale d’Attac Bassin de Vichy sur le rôle d’éducation populaire d’Attac dans le développement de l’usage des logiciels comme des réseaux libres et sur une utilisation réfléchie de facebook et twitter
Votée à l’unanimité (18 voix)
L’assemblée générale de notre groupe local Attac Bassin de Vichy s’est tenue ce vendredi 21 février 2020.
Elle souhaite rappeler comment la démocratie interne de l’association a écarté lors de ses derrières assises, des amendements qui étaient liés à la place du logiciel libre dans l’association et à la communication de l’association via Facebook, un service calculé pour extraire et amasser des données sur la vie privée de ses utilisateurs et de ses utilisatrices.
Le scandale de Cambridge Analytica a pu montrer comment la récolte de ces données privées met en cause la liberté et sert à orienter des choix politiques .
Après plusieurs mois, notre groupe local ne comprend toujours pas pourquoi ce débat n’ a pas pu avoir lieu d’autant plus que des arguments fallacieux ont pu être considérés pour l’éviter (considérer qu’une proposition traduite en français est écrite en anglais).
Pour notre groupe local c’est une contradiction toujours aussi insupportable qu’Attac puisse dénoncer les agissement des gafams et en même temps les renforcer en les alimentant de nos données personnelles par une utilisation non réfléchie des services qu’ils proposent .
Une réflexion sur cette utilisation est d’autant plus nécessaire que cette dernière période a pu voir en France la mise en place de la loi Avia. Cette loi a pour but " de remplacer la justice publique par Facebook, Google et Twitter, en les laissant seuls maîtres de ce qui peut ou non être dit sur le Web" (extrait de l’avis de la quadrature du net) .
Nous en appelons aux comités locaux et au conseil d’administration d’attac pour qu’une discussion s’engage sur notre rôle d’éducation populaire dans le développement de l’usage des logiciels comme des réseaux libres et sur une utilisation réfléchie de facebook et twitter. Richard Stallman initiateur du projet GNU fait pour cela des propositions, nécessaires pour un minimum de cohérence. Ces propositions peuvent être lues en FRANCAIS sur son site .
Sans cette discussion, Attac ne pourrait plus vraiment être le cadre cohérent dans lequel les adhérent-e-s de notre comité local se retrouvent pour réfléchir et agir ensemble .
Notre assemblée générale locale ne reversera ses cotisations à l’échelon national que lorsqu’un débat sera ouvert sur le sujet à ce niveau.
Réponse du conseil d’administration
Bonjour,

Avant de vous répondre sur la question de l’utilisation des logiciels libres, nous tenons à revenir sur les critiques relatives au traitement de vos amendements aux assises de Marseille. Ces amendements ont été refusés par un groupe de travail composé d’adhérent.e.s tiré.e.s au sort et de membres du précédent CA. Plus d’une centaine d’amendements ont été déposés et même si le processus est loin d’être parfait, il est conforme à nos statuts et respecte un fonctionnement démocratique.

Ensuite, nous sommes très étonnés qu’un comité local puisse envisager de bloquer les cotisations des adhérent.e.s au premier désaccord quelquesoit son importance. D’autres mesures sont possibles : débat sur liste local, en CNCL, interpellation du CA, etc.. Il n’y a pas de possibilité de continuer à s’appeler comité "Attac" sans respecter la charte des comités locaux d’Attac France et transmettre les cotisations de ses adhérents à Attac France.

L’espace thématique AtTactic (en charge de ces questions) travaille actuellement sur une charte numérique répondant à ces interrogations légitimes.

Les outils
Attac privilégie et promeut au maximum l’utilisation d’outils et de services sous licences libres, de leur installation et de leur administration via ses propres serveurs, c’est d’ailleurs le cas pour l’hébergement de la plupart des services vitaux de l’association.

S’agissant de l’audio et de la vidéo-conférence pour des réunions en ligne ou des « webinaires », dans l’état des forces numériques actuelles, de l’évaluation fonctionnelle des besoins de l’association et l’absence de solutions libres performantes, fiables et faciles d’utilisation, le choix du logiciel « Zoom » a été fait. Nous avons choisi cet outil pour sa stabilité et sa très grande facilité d’accès par ordinateur ou simple appel téléphonique pour un très grand nombre d’utilisatrices·eurs connecté·es en simultané, même relativement étranger·e·s à l’informatique. Cependant, il a récemment été démontré que cette solution contenait des failles de sécurité importantes et des CGU floues quant à la protection des données personnelles, ce qui invite l’association à questionner ce choix.

Encore une fois, en considérant les forces disponibles et l’absolue nécessité d’avoir une solution de visio-conférence stable et facile d’accès, plusieurs logiciels sous licences libres à internaliser aux serveurs d’Attac sont à l’étude pour remplacer "Zoom". Répondre aux besoins de l’association dans son ensemble est une tâche difficile, et intégrer une solution libre demanderait à faire des choix importants sur l’architecture des serveurs d’Attac et cela peut parfois prendre du temps à mettre en place, patience !

Si vous possédez des compétences en la matière : (administration-système avancée, développements php, support, médiation numérique, etc...) vous pouvez rejoindre le groupe dédié aux questions numériques AtTactic.

La présence d’Attac sur Facebook & Twitter
Se situant dans une dynamique forte de sensibilisation et de vulgarisation, la présence d’Attac France sur Facebook et Twitter comme sur les plateaux de télévision et de radio se justifie de plusieurs manières. L’association a fait le choix d’informer et de diffuser le plus largement son travail, ses publications, ses petits guides, ses analyses et ses rapports au plus grand nombre de citoyen·nes. Un autre monde est possible : surtout si l’on continue de porter haut et loin les idées d’Attac ailleurs que dans notre propre communauté.

Parallèlement, chaque publication sur ces réseaux est réfléchie afin d’inciter au maximum ses abonné·es à suivre le reste de ses informations sur nos sites et listes d’informations et de discussions (internalisées), ceci dans le but d’éliminer le plus possible l’enrichissement des données personnelles possédées par Facebook et Twitter. Pour illustrer au mieux la situation, notons qu’en 2019, 40% des visites sur le site d’Attac France sont des entrées par Facebook ou Twitter. On mesure alors le besoin de continuer à utiliser ces réseaux pour diffuser largement nos idées, bien que ces statistiques soulèvent également un risque de dépendance de l’association à ces canaux d’entrées.

D’autre part, dans le but de transiter concrètement vers des réseaux sociaux respectueux des données personnelles, Attac France est également présent sur d’autres plateformes comme Mastodon, nous essayons d’aller le plus possible vers l’utilisation de ces alternatives.
Leur fonctionnement « décentralisé » représente une alternative aux censures récentes, exercées par Facebook dont Attac France n’a pas encore fait l’objet pour l’instant. [Pour celles et ceux qui souhaitent nous rejoindre sur Mastodon, voici d’abord une présentation intéressante et didactique, vous pourrez ensuite rejoindre notre compte par ici.

Le CA Attac France,
6 avril 2020