Petit résumé du déroulement des assises

Assises d’Attac Isère, 28 novembre 2015 : Nos stratégies

Déroulement de la matinée

Bien que le thème retenu pour ces assises porte sur les « stratégies », nous avions convenu de consacrer un moment aux attentats de Paris, aux discours qui s’en sont suivis, et aux retombées de cet événement.

Mais voilà que l’affaire du jour est l’interdiction par le préfet de l’Isère de toute forme de manifestation. Et le préfet de l’Isère n’est pas le seul. Il s’agit donc là d’une retombée majeure des attentats, puisque l ’état d’urgence décrété a pour effet d’empêcher toute expression dissidente pendant le déroulement de la COP 21. L’événement est assez grave pour susciter une discussion et exiger une prise de position. La faiblesse de la réaction d’Attac est dénoncée par certains, alors que d’autres organisations on affirmé leur intention de ne pas tenir compte de l’interdiction.

Le planning en est bousculé. Il est décidé de rédiger un communiqué après l’AG de l’après-midi.

C’est donc avec pas mal de retard que s’engage la session sur les stratégies.
Le contexte et l’origine de ce choix sont rapidement rappelés, puis les textes proposés à l’arpentage sont présentés. Joëlle rappelle rapidement la méthode, le but poursuivi et la restitution attendue.

S’engage alors une lecture studieuse pendant laquelle, selon l’expression consacrée « on entendrait une mouche voler »(1).
Puis l’on passe au retour d’arpentage où chacun est sensé faire part de ce qui l’a frappé dans le (ou les) texte(s) exploré(s).

La thématique des "stratégies"

La thématique proposée pour ces assises a d’abord semblé acceptée par tous, sinon avec enthousiasme, du moins avec intérêt. Les participants ont aussi apprécié la méthode « d’arpentage » proposée, et se sont rués sur les articles diaboliquement bien choisis.

Restitution et débat se sont parfois emmêlés, tant les textes étaient riches et donnaient lieu à des réactions vives. Le service d’ordre musclé est tout de même parvenu tant bien que mal à dompter les réparties et à diriger un « tour de table » aussi complet que possible. Tous ceux qui l’ont souhaité (assez fort) ont pu prendre la parole, et l’assemblée a découvert plusieurs éclairages de chaque texte exploré. L’échantillonnage a ainsi permis de balayer des questions allant de la réflexion stratégique globale aux tactiques et aux actions, en passant par les interrogations soulevées par la « crise grecque ». Les notions de « rapport de force », de « pouvoir », d’ « arc de forces », d’ « imaginaire » sont spontanément apparues.

Perceptions de la question stratégique

Puis on a parlé de dette, de climat, de finance, de démocratie, et pesé la valeur opératoire de ces différents chevaux de bataille.
On peut remarquer que les textes relatifs aux évolutions dans le champ électoral (le « corbynisme, Podemos...), ont été beaucoup moins discutés, ce qui est assez cohérent avec la distance qu’Attac maintient vis-à-vis de la politique de partis. Mais ce qui peut apparaître réducteur si nos « espoirs » reposent en partie sur des alternances politiques ; après-tout, nombreux sont ceux parmi nous à qui la constitution du « Front de Gauche » en France a donné des espérances.
Tout au long du débat, il est apparu que la notion de « stratégie » n’était pas simple, et se confondait sans cesse avec « buts », avec « tactiques », avec « actions »... Il est également apparu (tant pendant le débat que plus tard dans les échanges autour du buffet), que certains trouvaient cette discussion superflue et trop théorique, et préféraient s’investir dans l’action, laissant à d’autres les réflexions globales. Ce qui lasserait penser que l’idée ambitieuse de ce débat n’était au fond peut-être pas si bonne.

Toujours sur le registre de la pertinence de la thématique choisie, certaines interventions ont d’ailleurs laissé entendre qu’au fond la lecture de la déclaration d’intention d’Attac (telle que rédigée dans le fascicule à usage de propagande) donnait une définition bien suffisante et complète des buts sinon des moyens de les atteindre. Il fut même dit que l’acronyme d’Attac à lui seul valait définition.
Par ailleurs, le constat d’échec assez omniprésent dans les articles proposés (2) n’a pas fait l’unanimité : pour plusieurs participants, des succès notoires ont été remportés ; ce serait par exemple le cas de la « victoire du TCE ». Mais ne touchons nous pas là justement à la distinction entre victoire tactique et victoire stratégique dans la mesure où ce succès nous fut subtilisé et ne se concrétisa jamais ?
Les « échecs » furent souvent mis sur le compte de « l’incapacité à se rassembler en un arc de forces susceptibles de conquérir le pouvoir ». Opinion à laquelle fut opposée illico l’échec de « l’arc de forces » qui conquit le pouvoir en Grèce pour les renoncements que l’on sait...

Plus convaincantes furent les remarques sur les « victoires idéologiques » dont nous pouvons nous flatter. Le cas de la taxation des mouvements de capitaux étant le plus emblématique, mais non le seul.

La pertinence de la notion de stratégie fut même remise en cause par un orateur percutant (et barbu), pour qui la seule question valable est celle des rapports de force, pas celle des stratégies. On put tout de même faire remarquer à cette occasion que les stratégies sont précisément l’art de tenir compte des rapports de force pour choisir les luttes à mener, les tactiques, les alliances, les actions...
Une participante fit alors remarquer que si le but est la disparition du néolibéralisme, une question stratégique est : « faut-il l’attaquer de front ou pas ? ». Or si l’on estime que la lutte de front est perdante, force est de se rabattre sur des luttes concrètes dans lesquelles on peut remporter des victoires d’étape (3). Furent nommés : le TAFTA, le Climat...

Un participant (muni de lunettes et frisé) conclut en soulignant que pour abattre le libéralisme, il convient de mobiliser les peuples ; et donc de choisir des « mobilisations qui marchent ».

Toutes additionnées, les lectures et interventions auront certainement aidé à distinguer les buts que nous poursuivons, les modes d’organisation, les tactiques employées puis les formes d’actions choisies pour atteindre ces buts.

Le rôle central du « climat » dans les questions stratégiques (4)

Remontant aux « buts » que nous nous fixons (souvent implicitement), plusieurs intervenants mentionnent le fait que si nous souhaitons « un autre monde », sa définition reste très floue, et probablement à géométrie variable. Or sans but précis, peut-il y avoir une stratégie ?
Là encore, il apparaît que le climat (5) est pour certains une pierre angulaire des buts que nous poursuivons ; par les luttes autour de la question climatique, nous affirmons « une certaine place dans la nature », radicalement opposée à la marchandisation.
Une autre participante fait même remarquer que les réfugiés climatiques « posent une sacrée question » : celle du partage dans le cadre d’un dérèglement global du climat ; il y a bien là en effet un but essentiel. Un autre intervenant en ajoute une couche en déclarant qu’on « est seuls dans toutes nos luttes, sauf celle-là ! ».
Pour un autre encore, le climat est bien le pivot fondamental où peuvent être mis en cause le productivisme, la répartition du travail, la transformation des emplois...
Mais nombreux sont ceux pour qui la question climatique doit avant tout être perçue comme une « accroche », un porte-voix, ce qui est exactement la ligne de conduite définie par Attac France. Il s’en trouve même pour remettre en cause ce dogme, et déclarer iconoclastement que « le climat est un fourre-tout ». Ce qui n’est pas un éloge.

La construction d’une « réelle démocratie » est également mentionnée au titre des buts les plus larges...

Enfin, s’il faut sans doute un « imaginaire », ou un modèle pour proposer un horizon et galvaniser les luttes, force est de constater que nous construisons « au fil de l’eau » plutôt que nous n’élaborons des stratégies construites. Dixit une ténor du bureau.

Quid des acteurs syndicaux et de nos alliances

Parmi les points importants largement débattus, il faut encore noter la question de la place et du rôle des syndicats, déjà posée par le texte de Jean-Marie Harribey. Pour certains il est évident que la place des syndicats ne peut-être autre que la défense d’intérêts de branche, de métiers. Mais il est alors devenu évident que dans cette posture, les grandes centrales ne peuvent nous appuyer réellement dans la recherche d’un « autre monde ». Ce qui est également une tautologie, puisque leur rôle serait alors de gérer au mieux le monde existant. On rejoint donc ici la question posée par le texte de JMH qui peut être formulée ainsi : l’alliance avec de tels partenaires n’explique-t-elle pas en grande partie les échecs vécus, et ne préfigure-t-elle pas les échecs à venir.

Une participante fait alors remarquer que les syndicats anglais, eux, ont été capables de réfléchir à la transformation des emplois (6). Et pour un autre, « il faudra bien que les syndicats pensent autrement ». Ces remarques renforcent bien l’idée que la question des alliances et du rôle des mouvements syndicaux est l’un des paramètres essentiels des stratégies de lutte.

Conclusion

Il semble donc, à l’issue de cette matinée très dense, que si le thème choisi n’a pas été contesté et a même déclenché des échanges vifs et passionnants, la réflexion reste à ce stade assez incomplète et frustrante (7).
Nous avons collectivement clarifié notre vision de nos espoirs et de nos manières de tenter de les concrétiser, mais nous n’avons pas pu tirer de conclusions utilisables immédiatement dans la pratique. Il est alors peu probable que des changements concrets découlent de cette session.

Dernière minute

Et pourtant, à l’issue des élections régionales, il faut s’interroger sur l’inaudibilité des voix de la gauche radicale, et sur le succès des idées simplistes, néfastes et dangereuses de l’extrême droite.
Il faut constater la duplicité d’un PS certain d’empocher in fine les voix dissidentes et celles de cette gauche radicale, au point d’en faire cyniquement le décompte dès le premier tour.
Et ces constats interpellent bel et bien le niveau stratégique des luttes auxquelles nous participons.


1. Mais on est fin novembre, et de mouches il n’y a pas...
2. J.M.Harribey en fait le point de départ de sa réflexion, et cette perception était aussi à l’origine du choix de cette thématique pour nos assises.
3. Retour à la question du « rapport de forces » et des stratégies.
4. Bon, marre du passé simple, vivons désormais au présent.
5. La problématique du climat, hein...
6. CF. Université d’été d’Attac en 2015.
7. « Je n’aurais pas dit mieux ». (L. Fabius.)