Portugal : la gauche unie fait tomber le gouvernement de droite

Publié dans 11 novembre 2015 par Ludo Rossi dans Actualités, Portugal // 1 Commentaire

L’Obs – Publié le 10-11-2015 Le leader du parti socialiste portugais Antonio Costa à Lisbonne, le 10 novembre 2015 (c) Afp

Lisbonne (AFP) – La gauche portugaise, unie pour la première fois en 40 ans de démocratie, a provoqué mardi la chute du gouvernement minoritaire de droite « pour tourner la page de l’austérité », sous l’oeil inquiet des marchés financiers.
Il reviendra désormais au président Anibal Cavaco Silva de décider s’il nomme un Premier ministre de gauche alors que ce conservateur n’a jamais caché sa réticence face à un tel scénario.
Une motion rejetant le programme du gouvernement de droite a été adoptée par les 123 voix des députés de l’opposition, contre 107 à la droite, entraînant ainsi sa démission à peine onze jours après son entrée en fonction.
Le gouvernement de Pedro Passos Coelho, 51 ans, dont la coalition de droite était pourtant arrivée en tête des élections législatives du 4 octobre, entre ainsi dans l’Histoire comme l’exécutif le plus éphémère du Portugal.
« Il est possible de tourner la page de l’austérité dans le cadre de la zone euro », a assuré à l’issue du vote le secrétaire général du Parti socialiste Antonio Costa, 54 ans, qui brigue la place de Premier ministre.
« Le Parti socialiste a fait un choix radical, préférant se joindre à des minorités qui l’ont toujours combattu », a regretté M. Passos Coelho. « Ce n’est pas tous les jours que l’on quitte le gouvernement en ayant obtenu le soutien des électeurs », a-t-il ajouté.
M. Costa a signé trois accords distincts avec le Bloc de gauche, proche de Syriza au pouvoir en Grèce, le Parti communiste et les Verts, qui jettent les bases d’une alliance, certes fragile, soutenant un gouvernement du PS.
– Pays divisé –
La balle repasse ainsi dans le camp du président Cavaco Silva. Faute de pouvoir dissoudre le Parlement pendant six mois, il peut soit charger M. Costa de former le gouvernement, soit décider de laisser M. Passos Coelho expédier les affaires courantes en attendant de nouvelles élections.
« Avec l’alliance en place, le président sera certainement obligé de donner à la gauche une chance de gouverner », a commenté Colin Bermingham, analyste chez BNP Paribas.
Longtemps considéré comme l’élève modèle de la zone euro prompt à appliquer la rigueur budgétaire réclamée par Bruxelles, le Portugal est entré à nouveau dans une zone de turbulences, un an et demi après sa sortie d’un plan de sauvetage financier.
Reflet d’un pays divisé, environ 5.000 partisans de la gauche et près de 2.000 de la droite ont manifesté dans une ambiance électrique devant le Parlement à Lisbonne, les uns pour saluer le départ du gouvernement, les autres pour s’y opposer.
Dans l’hémicycle aussi, le climat était tendu. « Si la confiance des investisseurs se brise, la menace d’une banqueroute redevient réelle », a lancé la ministre des Finances Maria Luis Albuquerque, agitant le spectre d’un retour de la troïka des créanciers (UE-BCE–UE) en cas d’arrivée au pouvoir de la gauche.
– Inquiétudes en Europe –
Victorieuse aux législatives avec 38,6% des voix, la coalition de droite a toutefois perdu sa majorité absolue au sein d’un Parlement dominé par la gauche emmenée par le Parti socialiste, arrivé deuxième avec 32,3% des voix.
Pour sceller leur alliance, les partis rivaux de la gauche ont dû chercher, au moins temporairement, à gommer leurs divergences historiques, notamment sur la renégociation de la dette et l’appartenance du pays à la zone euro.
« Un gouvernement du PS ne cherchera pas la confrontation avec l’Union européenne. Il tentera de convaincre Bruxelles de ne pas adopter une position trop dure en cas de dérapage budgétaire », a commenté le politologue Antonio Costa Pinto.
Le programme de la gauche visant à redonner du pouvoir d’achat aux Portugais suscite des inquiétudes en Europe, mais pour Bruxelles, la situation au Portugal n’est pas comparable à celle de la Grèce après l’arrivée au pouvoir de Syriza, Antonio Costa s’étant engagé à « respecter les règles budgétaires européennes ».
La stabilité d’un gouvernement du PS soutenu par l’extrême gauche n’est toutefois pas assurée : « ce sera un exécutif faible, et des élections anticipées se profilent en 2016 », estime David Schnautz, analyste de Commerzbank.
Parmi les manifestants devant le Parlement, Fatima Carvalho, ouvrière retraitée de 66 ans, se réjouit : « On a rêvé d’une union de la gauche depuis la Révolution du 25 avril 1974, maintenant, c’est chose faite ».
Isabel Norton de Matos, interprète de 59 ans, redoute au contraire qu’ »avec Antonio Costa, le Portugal ne devienne une nouvelle Grèce ».
Sur le web : La gauche portugaise unie pour faire tomber le gouvernement