Attac France et les stratégies de lutte

Au sujet des stratégies, 3 septembre 2015

Jacques Sapir, en cet automne 2015, a déclenché un tollé en laissant entendre que la constitution de « fronts »était nécessaire, et pourrait s’étendre jusqu’au Front National. Ses détracteurs ont surtout mis l’accent sur cet aspect, évitant ainsi le problème de fond de l’élaboration d’une stratégie.
Les positions de J. Sapir ont pourtant le mérite de poser brutalement cette question de la stratégie et des buts poursuivis par la gauche radicale.
Dans « Le sel de la terre », que nous projetions au Bayard en novembre 2013, la femme du dirigeant syndical prenait la parole et stupéfiait la salle en déclarant : « Il ne s’agit pas de se battre, il s’agit de gagner ! » (cité de mémoire).
Pour nous, pour la gauche radicale, il ne semble guère plausible aujourd’hui de « gagner », mais au moins faut-il en garder l’espoir à une échéance pas trop lointaine, croire au moins qu’on se dirige vers une victoire, un jour.
Or la gauche radicale, et singulièrement Attac semble éluder sans cesse la question centrale des buts et des stratégies, tandis que la dynamique des « actions » occupe les esprits et mobilise l’énergie.
Nous avons un éparpillement d’engagements, dans une nébuleuses d’alliances conjoncturelles qui ne sont ni solides (les impasses et non dits sur les buts, les méthodes conduisent à des échecs lourds de conséquences), ni assez larges pour espérer faire changer la donne. Il ne reste alors que la satisfaction morale d’avoir « fait quelque chose »...
Dans nos instances dirigeantes, même, les points les plus cruciaux ne sont pas tranchés. Et l’on entend à la tribune de l’Université d’été les orateurs se contrer assez durement sur les points essentiels d’objectifs et de conduite des luttes. Ce mois de septembre était évidemment dominé par le constat unanime de l’échec majeur des gauches en Europe, démontré par l’issue de la crise grecque. Mais au delà de ce constat, pas l’amorce d’un consensus sur les points stratégiques ni même sur les tenants et aboutissants théoriques que constituent la question de l’Euro, celle de l’appartenance à l’UE, celle des alliances et des fronts. Et l’on vit critiquer durement les options de Podemos, laisser planer de lourds sous-entendus quant aux choix de M. Tsipras.
En clôture (ah ben non, il paraît que c’était la veille), enfin, le beau discours de Thomas Coutrot sur la nécessaire émergence d’un « peuple européen » susceptible de peser enfin sur les choix de l’Union, s’il était réconfortant et humaniste, donna l’impression d’un vœu pieux à cent lieu d’une réelle ligne de conduite stratégique.
S’il eut l’immense valeur de mettre en garde contre la montée de discours nationalistes pleins de rancœurs rancies et de menaces, il ne semble pas de nature à constituer un véritable projet de lutte. Or sans ce projet, sans une stratégie claire et étayée sur des positions de principe consensuelles, les mobilisations ne peuvent guère dépasser les rangs des militants inconditionnels