Valls et Cazeneuve : ils sont devenus Charlie

Nous redoutions évidemment que ce ne soit pas toujours le meilleur qui sorte de cette immense mobilisation autour de Charlie. Les événements dépassent nos craintes.
Il y eut le bal des hypocrites ; à côté de bonnes volontés indéniables, il a réuni tous les dirigeants en mal de légitimité, en faisant voisiner des chefs d’états dont le classement dans l’échelle des libertés ne fait pas de très bons porte-paroles. M. Sarkozy, conscient de l’enjeu a même réussi à se glisser dans le carré réservé.
Dans ce mouvement émotionnel, politiques et grands médias tentent de créer une « union sacrée » conforme à leurs rêves : plus de gauche, plus de droite, plus de classes sociales, plus de continents, plus d’impérialisme, plus de sensibilités différentes ; seulement des gens de bonne volonté réunis derrière des leaders qui ne songent qu’à les protéger du mal.
Dès aujourd’hui, cependant, des facettes moins souriantes apparaissent
Voici tout d’abord les marchands de sécurité, Valls en tête, venant nous vendre des arsenaux sécuritaires après avoir proclamé que nous étions en guerre et l’avoir démontré par un vaste déploiement de soldats. De quelle utilité est exactement ce déploiement en la circonstance ?
Voici B. Nétanyahou conseillant aux juifs de France de se réfugier en terre d’Israël , « leur terre légitime ».
La récupération ne connaissant pas de limite, et le modèle financier étant toujours à l’affût, voici les premières demandes de Copyright sur le slogan : « Je suis Charlie ».
Alors dans ce concert, qui maintenant osera chercher des causes à l’horreur, sans craindre d’être accusé d’excuser le crime ? Qui osera mettre en cause les facteurs sociaux, les guerres impérialistes, les credo désespérants qui dominent le monde et ne donnent d’espoir qu’aux apprentis milliardaires que M. Macron appelle de ses vœux ?
Qui osera rappeler que les réseaux terroristes semblent bien s’être construits ou consolidés dans les prisons que M. Sarkozy a remplies au delà du raisonnable, pour nous protéger déjà, avec cet art de l’anticipation qui est sa signature ?
Amédy Coulibaly, contrairement à ce que nous ont d’abord narré les média, n’était pas qu’un faible d’esprit immature. Amédy Coulibaly était l’archétype d’une catégorie sociale délaissée, progressivement avalé par le cercle vicieux de la délinquance et de l’incarcération. Les conditions de cette incarcération l’ont révolté et ont radicalisé sa haine. Au point qu’il a trouvé nécessaire de filmer la vie de détenu à Fleury Mérogis et de faire parvenir cette vidéo à la presse.
Coulibaly étayait sa haine, aussi, sur les guerres que les occidentaux mènent en pays d’Islam, que beaucoup considèrent comme des injustices faite aux peuples musulmans,. Car comment ne pas voir que de leur point de vue, la « déclaration de guerre » ne revient pas aux terroristes, mais bien aux puissances occidentales déterminées à définir l’ordre qui doit régner sur les autres continents. On peut considérer que ces guerres sont justifiées, mais ce sont pourtant des guerres.
Alors, il faut bien admettre que si l’on ne cherche pas de causes, si l’on ne veut que développer l’arsenal du renseignement et la panoplie répressive, si comme G.W Bush on se fait que prôner la guerre contre le terrorisme en refusant d’analyser l’origine de la haine, comment espérer apaiser le monde, ?
Et dans notre pays même, si l’on veut éviter la guerre civile que redoute par exemple Agora, il faudra bien faire cet effort de compréhension et non se limiter à l’anathème.

Et enfin, voici une pléiade de célébrités qui signe un texte questionnant : « et maintenant ? »

A laquelle la réponse pourrait être : « et si maintenant on s’intéressait à la politique ? »