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François CHANTRAN
Président d'Attac-Isère


Grenoble, le 23 mai 2003
 

LETTRE OUVERTE AUX DÉPUTÉS ET SÉNATEURS DE L'ISÈRE


Madame, Monsieur,

Lors de la prochaine session parlementaire, vous serez amenés à vous prononcer sur le projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement. Ce projet concerne l'avenir des retraites. À ce titre, il s'agit d'un choix de société fondamental. C'est dire l'importance du débat parlementaire sur ce sujet. Le Premier ministre s'est engagé à dire la vérité aux Français; il affirme que l'effort sera partagé. Qu'en est-il dans les faits ?

Les points essentiels de ce projet sont: augmentation de la durée de cotisation, existence d'un système de décote, pour les fonctionnaires indexation sur les prix et non plus sur les salaires, maintien de la réforme Balladur. Aucune participation n'est demandée aux entreprises ou aux revenus financiers. Autrement dit, l'effort est supporté par les seuls salariés; les profits, quant à eux, n'étant pas mis à contribution. L'effort n'est donc pas partagé. Les personnes les plus touchées seront celles qui sont déjà victimes du libéralisme: les chômeurs et les précaires mais aussi les femmes. De ce point de vue instaurer une décote par année manquante est particulièrement injuste et constitue de fait une forme d'acharnement.

M. Fillon, pour sa part, a affirmé sur Europe 1 qu'il n'y avait pas d'autres alternatives à cette réforme. Est-ce bien vrai ?

Considérons d'abord la question des salaires. En 20 ans, la part des salaires dans la richesse créée par les entreprises a baissé de 10 points. Dans le même temps, la productivité du travail a augmenté de 50 %. La croissance profite donc davantage aux profits des entreprises qu'aux salariés.

Et les cotisations patronales ? Ces 20 dernières années, les employeurs ont vu l'ensemble de leurs taux de cotisations sociales n'augmenter que de 1,8 %, alors que les salariés ont vu leurs cotisations augmenter de 8,2 %. Concernant les cotisations retraites, le total des cotisations vieillesse payé par les entreprises a diminué de 64 % à 56 % en 15 ans, alors que la part des salariés augmentait de 36 % à 44 %.

Les entreprises ont donc accumulé un retard important à la fois pour les cotisations sociales et pour les cotisations retraites.

En ce qui concerne les pensions des fonctionnaires, on nous prédit une explosion des dépenses publiques si rien n'est fait. Le rapport Charpin, que l'on ne peut suspecter de complaisance sur ce point, indique qu'à l'horizon 2040 la part des pensions dans le PIB n'augmentera que de ... 1,4 points. Soit 0,035 point par an ! Comment peut-on faire croire que le budget de l'État ne supporterait pas une aussi minime augmentation ? Ce n'est pas sérieux.

Le principe d'équité, tant de fois invoqué, impose donc que les employeurs rattrapent leur retard. Cela ne nuira pas à la compétitivité des entreprises. Il y a de la marge ! Les moyens financiers ainsi dégagés permettent une - vraie - réforme des retraites.

Voici ce que propose ATTAC: départ en retraite à taux plein à 60 ans, validation des années d'étude et des périodes d'inactivité forcées, abrogation de la réforme Balladur, pas de retraites inférieures à 75 % du salaire antérieur avec un minimum égal au SMIC, pas de décote. Si un tel programme était adopté, en résulterait-il un désastre pour l'économie nationale ? Non. En effet, ces mesures nécessitent, d'ici à 2040, une augmentation de la part de la richesse nationale consacrée aux retraites moindre que celle que la société a accepté ces 40 dernières années. On le voit, réformer les retraites - pour les améliorer - est tout à fait possible. Le projet du gouvernement n'est donc pas le seul possible.

En tant qu'élus vous avez le devoir de vous informer complètement, vous avez également le devoir de veiller à ce qu'une information non partiale soit accessible aux citoyens. On en est loin comme le montre la campagne d'intoxication, et donc de manipulation, menée par le gouvernement. Il s'agit là d'un comportement méprisant vis à vis de la France « d'en bas ».

Nous vous demandons solennellement de prendre en compte l'importance de l'inquiétude qui s'exprime, de réfléchir attentivement aux solutions alternatives - elles existent comme nous vous l'avons montré - et de bien mesurer les enjeux. Ceux-ci sont considérables. Si vous votez le projet du gouvernement vous aurez apporté votre caution à une inacceptable entreprise de régression sociale qui ramènerait la France 40 ans en arrière, à une époque où vieillesse était largement synonyme de pauvreté. Faites en sorte que la France dispose d'un système de retraite, pleinement solidaire, digne d'un pays moderne.

 
 
François CHANTRAN
Président d'Attac-Isère
 

 
 



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